Arrêté relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime

Description (NOR: AGRG1632554A - 4 mai 2017)
Le nouvel arrêté fixant les conditions d’utilisation des pesticides a été publié. S’il ressemble fort à son prédécesseur de 2006, abrogé par le Conseil d’Etat en juillet 2016, il diminue encore la protection des riverains et s’annonce ravageur pour les cours d’eau du pays.

Après une élaboration houleuse et une consultation publique intense, l’arrêté dédié à la mise sur le marché et –surtout- à l’utilisation des pesticides et de leurs adjuvants vient d’être publié au Journal officiel. Saisi par l’Association nationale pommes-poires (ANPP), le Conseil d’Etat avait abrogé, en juillet 2016, l’arrêté précédent en date du 12 septembre 2006. Celui-ci, par exemple, fixait les distances de traitement par rapport aux points d’eau ou obligeait à ne pas pulvériser de produits quand le vent soufflait à plus de 19 km/h.

Les associations de protection de l’environnement espéraient pouvoir renforcer la protection des riverains face aux épandages, avec notamment l’introduction d’un principe de zones non traitées (ZNT) à proximité des lieux d'habitation, d’espaces publics et de lieux accueillant des groupes de personnes vulnérables. Des dispositions sur la protection des personnes vulnérables incluses dans la loi d’avenir pour l’agriculture. Un concept qui n’a pas été retenu dans la version finale, au profit de zones non traitées, dont la largeur (variant de 5 à 50 mètres) sera définie par l’Anses dans les décisions d'autorisation de mise sur le marché des produits en fonction des usages des produits.

Pour les salariés agricoles, le délai de rentrée sur les parcelles traitées demeure en règle générale de 6 heures (et 8 h en milieu fermé), et de 24 h, voire 48 h, pour les produits les plus dangereux. Ceux jugés cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques sont désormais inclus. Or, même pour ces produits parmi les plus toxiques, les délais de rentrée pourront être désormais abaissés à 6 heures si le tracteur est équipé d’un filtre à charbon actif, ou si le travailleur est vêtu d’un équipement de protection individuelle (EPI). Des combinaisons souvent peu portées et dont l’efficacité est remise en cause par divers travaux.

La grande victoire de la FNSEA réside dans les termes retenus par l’arrêté pour définir la notion de ‘points d'eau’, qui conditionnent les distances que les agriculteurs doivent respecter entre ceux-ci et les zones d’épandage. Dans la version de 2006, ils devaient tenir compte des «cours d'eau, plans d'eau, fossés et points d'eau permanents ou intermittents figurant en points, traits continus ou discontinus sur les cartes au 1/25.000 de l'Institut géographique national (IGN)». Dans la version de 2017, ne demeurent que les cours d'eau tels que définis à l'article L. 215-7-1 du code de l'environnement et les éléments du réseau hydrographique figurant sur les cartes 1/25.000 de l'IGN. L’arrêté renvoie à un arrêté préfectoral dans un délai de deux mois après sa publication pour une prise en compte toute hypothétique d’autres éléments hydrographiques. «Dans certaines régions, il y a beaucoup de fossés de drainage en bord, voire dans les parcelles. S’il ne sont plus pris en compte, les dérives d’épandage vont rejoindre les cours d’eau plus importants et les polluer», regrette Jean-Claude Bévillard, responsable agriculture à France Nature Environnement.

Dans une enquête publiée fin février 2017, le site Reporterre rappelle qu’une cartographie de tous les cours d’eau est en cours d’élaboration, qui pourrait aboutir au déclassement de près de 20% des cours d’eau actuels. Prévu pour être achevé fin 2016, ce travail n’a toujours pas été publié. Interrogé, le président d’Eau et rivières de Bretagne rappelle un fait: la cartographie fournie par l’IGN –sur laquelle est fondée une partie du zonage des points d’eau du nouvel arrêté- présente «une sous-estimation considérable de la réalité de terrain, qui peut atteindre jusqu’à 30% suivant les lieux, selon Gilles Huet. «L’IGN n’intègre que des éléments du réseau hydrographique évident. Mais tout le petit chevelu, qui correspond aux zones les plus sensibles —les têtes de bassin versant, les zones humides— risque de disparaître.» Un recul supplémentaire.

Source : http://www.journaldelenvironnement.net/article/arrete-pesticides-les-points-d-eau-sacrifies,82494